Mur en pierre sèche au premier plan et rempart de Taulignan en fond
La technique de la pierre sèche se retrouve sur tous les continents. Elle est principalement utilisée pour la gestion des sols et elle structure les zones d’activités pastorales et agricoles. Sont construits en pierre sèche des soutènements de terrains pentus (toujours accompagnés d’escaliers et de rampes d’accès entre les différents niveaux), tous les ouvrages de drainage des sols (drains, touvières …) et de stockage de l’eau (aiguiers, puits …), des murs de clôture (en zone pastorale ou pour protéger les zones de culture), des chaussées et des chemins (calade).
La pierre sèche a aussi été utilisée pour d’autres ouvrages adaptés aux activités humaines tels des apiers*, des aires de battage, des zones de sèchage des fruits, et du petit bâti pour abriter les bêtes (poulaillers, bergeries, enclos …) ou servir de remise ou de cabane (par exemple les bories)
L’utilisation de cette technique débute au néolithique avec l’invention de l’agriculture. Le travail de la terre exhume alors les pierres du sol. Cette nouvelle ressource encombrante trouve son utilité dans l’aménagement des sols pour optimiser la production agricole et pour construire l’habitat. Avec la nécessité de l’épierrement des cultures commence donc le travail de fourmi des générations successives et qui débouche aujourd’hui sur l’aménagement des terroirs actuels. La maçonnerie à pierre sèche a alors la particularité d’être mise en œuvre par tout le monde et, même si certains en font une spécialité professionnelle**, tout un chacun en connaît les principes et les applique pour son propre lopin de terre.
Dalles dressées de clôture
Le terroir de Taulignan en plus de tous ces ouvrages possède la particularité d’avoir été la zone d’extraction d’une pierre calcaire de grande qualité. Ont alors été extraites des dalles de pierre qui bordent encore aujourd’hui les chemins, séparent les parcelles, traversent les ruisseaux ou les canaux, dirigent les eaux dans les touvières.
Mur en pierre sèche avec couronnement en pierre clavées
Construire à pierre sèche consiste à maçonner en utilisant seulement de la pierre sans aucun apport de liant quel qu’il soit. Pour que l’ouvrage tienne, tout le travail consiste à jouer sur l’équilibre des pierres. Le poids des pierres est au final l’unique liant qui permet à l’ouvrage de tenir. On dit que l’on à faire à des murs poids et le principe de base est de créer un ouvrage se comportant comme un monolithe.
Si le principe en est très simple, la mise en œuvre n’est pas toujours aisée à réaliser.
Pour résumer on peut dire que pour réussir une bonne maçonnerie en pierre sèche il faut respecter méticuleusement 5 règles lors de la pose de chaque pierre :
L’assise qui permet à chaque pierre d’appuyer de façon stable sur les pierres du rang inférieur.
Le croisement qui assure la répartition du poids et des forces qui lient les pierres les unes autres.
Le blocage qui cale les pierres entres elles sur leurs faces de joint et d’assise pour éviter qu’elles puissent glisser ou bouger dans la maçonnerie.
Le fruit qui donne à l’assise de chaque pierre une inclinaison par rapport à l’horizontale. Cette inclinaison a pour but de diriger la force exercée par le poids du mur vers l’intérieur, augmentant ainsi sa stabilité.
Le parement. Si cette cinquième règle ne participe pas de la solidité du mur elle reste néanmoins primordiale car elle donne l’aspect final soigné et esthétique du mur.
Chaque ouvrage a également des particularités techniques induite par son utilité finale, ainsi les murs de soutènement sont toujours doublés côtés talus d’un drain composé de cailloutis qui réduit la poussée des sols, retarde l’infiltration des particules de terre et permet un drainage optimum, Les murs de clôture ont la particularité d’avoir deux faces de parement, les bories développent la technique dite de l’encorbellement pour créer une toiture ...
Tout en respectant ces cinq règles il est possible de construire en pierre sèche de manières très différentes. Le terroir de Taulignan permet d’en voir quelques exemples très emblématiques :
Les murs d’épierrement et les clapiers, les pierres brutes sont empilées en murs et en pierriers au fur et à mesure de leur extraction de terre lors des labours. Le but de ces constructions est uniquement de libérer de l’espace de culture au moindre effort et le plus rapidement possible. La maçonnerie qui naît de ces empilements est brute et permet de stocker la pierre sur la plus petite surface possible dans l’attente d’un usage ultérieur.
Pierrier
La maçonnerie croisée, Il s’agit de maçonner les pierres brutes dans leur lit, à plat afin que le poids s’exerce verticalement et se répartisse de haut en bas de la structure du mur créant ainsi une structure monolithe comme tissée pierre par pierre.
Croquis d'un mur en maçonnerie croisée
Photo d'un mur en maçonnerie croisée
La maçonnerie clavée, les pierres brutes sont alors posées en délit, la force verticale du poids est alors dirigée latéralement sur les pierres voisines. La structure ainsi maçonnée est beaucoup plus solide et résiste mieux aux poussées latérales qui s’exercent sur le mur. Cette technique est assez courante à Taulignan, souvent associée à la plantation d’arbres qui en grandissant accentuent la poussée latérale des pierres les unes sur les autres, ce qui a pour effet de renforcer la solidité du mur.
C’est également une technique utilisée pour le couronnement des murs lorsque l’on ne dispose pas de pierres suffisamment lourdes pour le lester.
Croquis de mur en maçonnerie clavée
Photo de mur en maçonnerie clavée
La maçonnerie à joints vifs, toutes les pierres sont taillées et reprises pour être ajustées de façon idéale. Il s’agit d’une maçonnerie savante que certains spécialistes ne considèrent pas comme de la pierre sèche tellement sa mise en œuvre demande du temps et du savoir faire. Il s’agit souvent d’une maçonnerie mise en œuvre par les ponts et chaussées au XIXè et début XXè pour soutenir les talus de bords de route.
Mur en maçonnerie clavée
*Un appier est un rucher
**ils sont appelés murailleurs en Provence depuis le XVIIè
Article publié dans le journal de l'association des 11 tours, Taulignan (Drôme)
Publié le 28 IV 2011 sur ce blogue